Lumiere. Suzanne, Madeleine et Andree : les cousines Lumiere au Golfe des Lecques vers La Ciotat en. 1910. © Institut Lumiere, Famille Lumiere
Lumiere. Repas familial Lumiere en. 1910. Louis Lumiere est assis pres de l’arbre, Auguste est debout avec une casquette. © Institut Lumiere, Famille Lumiere
exhibition is over
Gueorguievski per., 3/3 (
opening hours: 12:00 - 21:00, day off - Monday.
Tel: +7 (495) 692-44-59
Une famille d’industriels de la photo Ne en Haute-Saone en 1840, c’est a Besancon qu’Antoine Lumiere, jusqu’alors peintre d’enseignes, embrasse en 1862 la carriere de photographe portraitiste. C’est aussi l’annee de naissance d’Auguste, premier de ses six enfants. Louis suivra en 1864. La photographie est en vogue, mais les debuts sont difficiles. Il decide alors, fin 1870, de s’installer dans une plus grande ville et choisit Lyon. Il y installe un studio photographique, se fait une reputation et tire aussi bien le portrait d’une clientele populaire que celui de personnalites lyonnaises qui frequentent son atelier. Son entreprise connait alors un reel succes commercial. Mais Antoine Lumiere reste resolument tourne vers l’avenir : se tenant au courant des dernieres innovations en photographie, il anticipe alors une revolution en marche en comprenant que la pratique de la photographie allait prochainement et inexorablement sortir du seul domaine professionnel et s’offrir a tous les amateurs.
Avant les annees 1880, la photographie se pratiquait en effet avec la complexe technique du collodion humide, laquelle demeurait hors de portee de l’amateur. Cette technique impliquait en effet que le photographe fabrique lui-meme l’emulsion qu’il etendait sur une plaque de verre juste avant de realiser un cliche, puis qu’il en fasse aussitot le developpement, ce qui compliquait en outre la prise de vue hors d’un studio. L’apparition des premieres plaques seches au gelatino-bromure d’argent allait operer une revolution en rendant la photographie accessible a tous : les plaques pourraient etre fabriquees bien avant l’emploi, etre conservees en image latente et ainsi developpees longtemps apres la prise de vue, et donc non plus necessairement par l’utilisateur.
Antoine Lumiere se lance dans cette nouvelle voie et decide vers 1881 de fabriquer ses propres plaques seches a partir des formules publiees dans la presse photographique. C’est la qu’interviennent ses deux fils et tout particulierement Louis, qui prenant le relais de son pere, parvient non seulement a reproduire la formule initiale, mais aussi a l’ameliorer et a decouvrir ainsi une emulsion novatrice, plus stable et d’une qualite bien superieure, aussi bien en rendu photographique qu’en rapidite de temps de pose. Simple a fabriquer, prete a l’emploi, elle pourrait en outre etre produite industriellement.
La plaque instantanee Etiquette bleue etait nee : cette premiere invention fondatrice allait dessiner l’avenir de la famille Lumiere. Par sa simplicite d’emploi et sa vitesse de prise de vue, elle contribuera a la democratisation de la photographie. Pour photographier, plus besoin d’etre chimiste, avoir un appareil allait desormais suffire. La mise en vente des plaques produites artisanalement en famille dans l’enceinte meme du studio obtint un tel succes qu’il devint vite impossible de repondre a la demande, si bien qu’Antoine Lumiere, afin d’assurer une production a l’echelle industrielle fonde en 1882 dans le quartier de Monplaisir, une premiere manufacture, bientot transformee en usine. Les deux freres Lumiere l’organisent en unites de production, creant quantite de machines speciales pour optimiser la main-d’?uvre. Dans une dynamique de progres, ils en diversifient aussi l’activite en produisant egalement des papiers sensibles et des produits de developpement. C’est ainsi que va s’edifier le plus grand etablissement de produits photographiques d’Europe, dont l’activite se poursuivra jusqu’au debut des annees 1970.
Mais les freres Lumiere ne se cantonnent alors pas au seul role de gestionnaires et d’industriels. L’infrastructure de leur Societe devient le prolongement naturel du genie de ces chercheurs infatigables, en leur donnant les moyens necessaires a la realisation de leurs decouvertes. C’est dans ce contexte tres favorable qu’ils offrent au Monde deux inventions majeures dans le domaine de l’image : en 1895 le Cinematographe pour l’image animee, puis en 1907 l’Autochrome pour la photographie en couleur.
En guere plus d’une decennie depuis son installation a Lyon, Antoine Lumiere quitte sa simple profession de photographe pour devenir industriel de la photo, dans une entreprise geree en famille par ses deux fils. Au demeurant, la photographie reste ainsi intrinsequement la source de revenu de la famille Lumiere, mais avec un glissement consequent de l’activite et dans des proportions de chiffre d’affaires desormais gigantesques. La pratique de la photographie n’etant desormais alors plus un travail, elle devient un loisir ou une occasion d’experimentation des produits maison, et se resserre principalement a l’intimite du cercle de famille, agrandi d’une generation par la naissance a partir des annees 1890 des enfants des freres Lumiere et de ceux de leurs s?urs Jeanne, Juliette puis France.
La photo en famille
C’est avec les emulsions photosensibles produites par leurs propres usines que les Lumiere saisissent leur vie quotidienne et leurs vacances au tournant du siecle, d’abord sur plaques N&B, ensuite avec le Cinematographe, et finalement sur plaques Autochromes.
Si trente films ou plutot " vues animees " du Cinematographe ayant pour sujet les Lumiere eux-memes ont fait le tour du monde puisqu’elles ont nourri les programmes de projections puis le catalogue de vente des vues, c’etait de maniere purement anonyme : il n’etait precise nulle part que le couple de " figurants " nourrissant un bebe dans Repas de bebe n’etait rien moins que M. et Mme Auguste Lumiere avec leur fille Andree... En revanche, les photographies etaient destinees a rester dans la sphere privee.
Ainsi en est-il de la collection personnelle de Louis Lumiere dont font partie les Autochromes presentees dans cette exposition. A La Ciotat ou a Monplaisir a Lyon, nous devenons ainsi les temoins de la face cachee de cette famille pas comme les autres, plus communement connue par le biais d’austeres portraits officiels, et qui par ces cliches nous fait partager un peu leur mode de vie, certes confortable, mais finalement meuble de joies simples et par dessus tout centre sur la cohesion familiale et l’amour de la famille et des enfants.
Ni Auguste ou Louis ou bien Antoine n’ont signe ces cliches. Certains d’ailleurs ont tout aussi bien pu etre pris par l’une ou l’autre de leurs s?urs ou epouse, Marguerite notamment. Mais si l’on peut de ce fait plutot envisager ces images comme une?uvre collective a vocation de memoire familiale, il ne se degage pourtant pas moins de la confrontation de ces Autochromes une certaine unite. Cette similitude provient probablement d’une pratique commune de la prise de vue transmise entre les divers membres de la famille selon les enseignements du pere fondateur de la dynastie Lumiere, mais elle tient egalement de la technique photographique inherente a ce procede. En effet, contrairement aux photos familiales en N&B prises le plus souvent en stereoscopie avec un Verascope leger et maniable ne necessitant ni pied ni mise au point, et donc sur le vif, ces photographies Autochromes necessitaient de prendre la pose, car avec des temps d’expositions de l’ordre d’une seconde, l’instantane n’etait plus de mise. De ce fait, ces photographies ou l’on prend le temps de prendre la pose se pretent naturellement a la composition, celle de la disposition du ou des personnages occupant le cadrage. Mais c’est surtout leur specificite de capture des couleurs qui entraine une esthetique commune, celle de leur mise en scene avec des accessoires colores jouant sur la complementarite des couleurs afin de les magnifier et de les rendre plus perceptibles encore. C’est ainsi que l’on a recours communement a l’introduction de taches de rouge, chapeau, ombrelle ou vetement, surgissant en opposition avec la verdure des arrieres plans.
Par ailleurs, en dehors de la seule unite de personnages puisqu’il s’agit de cliches familiaux, il est notable que ces images sont majoritairement prises dans une periode assez courte, entre 1907 et 1913. Si elle correspond a l’adolescence de leurs modeles les plus recurrents, Suzanne, Andree et Madeleine, filles et nieces de Louis et Auguste Lumiere, elle ne s’explique pas par le fait qu’apres cette periode la cohesion familiale se serait rompue en raison de mariages rendant les rencontres plus compliquees. En effet, c’est bien malheureusement la declaration de guerre suivie d’une longue et tragique serie de disparitions qui apporta une rupture definitive de la pratique photographique familiale...
Ces Autochromes familiales nous sont ainsi encore plus precieuses, en temoignant ainsi d’une epoque revolue a double titre, puisqu’elles nous apparaissent avec le recul comme les derniers instants de bonheur d’une famille, figes dans les chatoyantes couleurs de la vie, comme les dernieres enluminures d’une page qui se tourne avec le premier conflit mondial de l’Histoire.
1903 —1907 — L’invention de la photographie des couleurs par l’Autochrome En juin 1907, l’Autochrome Lumiere, premier procede commercial de photographie en couleur, est mis sur le marche. Pour la premiere fois au monde, la reproduction photographique des couleurs se trouvait a la portee de l’amateur comme du professionnel.
Les freres Lumiere, en vulgarisant l’usage des plaques seches au gelatino-bromure d’argent pretes a l’emploi, avaient deja grandement contribue a mettre la photographie en noir et blanc reservee aux professionnels a la portee des amateurs.
Dans cette meme logique, ils tentent ensuite de mettre les premiers balbutiements de la photographie en couleur, reserves aux seuls scientifiques, a la portee des amateurs aussi bien que des professionnels.
Ils mettent au point leur propre procede de synthese trichrome par la methode indirecte. Mais les trois prises de vues successives, chacune au travers d’un filtre colore afin de realiser la selection des couleurs, cantonnent son usage a des sujets absolument statiques. En outre, la multiplicite des etapes de laboratoire pour obtenir l’epreuve finale constituee de la superposition exacte des 3 positifs monochromes est redhibitoire pour l’amateur.
Pour permettre la prise de vue en couleur en une seule etape, Louis Lumiere decide alors vers 1900 de reunir sur un support unique les filtres colores permettant de realiser aussi bien la selection des couleurs a la prise de vue que leur synthese a la vision. Il y parvient en decembre 1903, date du brevet pour une plaque utilisant un seul ecran trichrome incorpore pour separer les radiations colorees de la lumiere, et qui sera baptisee Autochrome, " la couleur par elle-meme ".
Ce reseau trichrome est compose de millions de grains microscopiques de fecule de pomme de terre teintes en trois couleurs, chacun agissant comme un filtre. Ce melange est etale sur une plaque de verre enduite de vernis, puis recouvert d’une emulsion noir et blanc. La plaque ainsi obtenue etait prete a l’emploi et son developpement, identique au procede noir et blanc de l’epoque, ne necessitait en sus qu’une inversion en positif de l’image negative impressionnee. Observee par transparence, cette diapositive sur verre ne laisse voir a travers l’emulsion que les grains de fecule correspondant aux couleurs du sujet. C’est le regard sur l’ensemble de l’image qui par confusion optique reconstitue toutes les nuances nees de la juxtaposition de cette multitude heterogene de points colores.
Quatre annees lui seront ensuite necessaires pour optimiser son procede et mettre en place le complexe processus de fabrication industrielle.
1907 — Le monde enfin en couleur
Au prix d’un labeur de sept annees, Louis Lumiere avait atteint son but : parvenir avec un procede simple d’emploi a l’aboutissement ultime de l’image photographique, en la dotant de la capacite de restituer les couleurs.
Le resultat fut a la mesure des efforts consentis : il etait desormais possible de produire de maniere industrielle (jusqu’a 6000 plaques par jour) des plaques au mode d’emploi simplifie permettant l’obtention en un seul cliche d’images en couleur. Ce procede s’imposera pendant pres de 30 annees comme l’un des seuls moyens de fixer sur une image photographique le bleu du ciel ou la carnation d’une demoiselle, jusqu’a l’apparition des procedes en couleurs chimiques sur pellicule. Des milliers de photographies ont ete ainsi realisees dans le monde entier. Aujourd’hui encore, la qualite de conservation des couleurs nous permet d’apprecier comme alors la beaute de ces prises de vues d’un temps pourtant revolu.
L’esthetique induite par le procede Autochrome est a
Chaque image est par ailleurs unique, puisque c’est une diapositive. Ce sont ces specificites qui contribuent a donner a une Autochrome, veritable photographie picturale, une charge emotionnelle et esthetique si particuliere.
De toutes ses inventions, Louis Lumiere considerait l’Autochrome comme son chef-d’?uvre. A juste titre, car voir aujourd’hui le monde capture seulement en noir et blanc nous est impensable, mais avant l’invention de l’Autochrome c’etait la regle...